Cheminement intérieur d’un père endeuillé
novembre 2025

Alexandre est né le 22 février 1993. il a mis fin à sa vie le 12 août 2018. Elisabeth, sa maman avait été contente d’être enceinte mais nous n’avions pas de vie de couple. Au moment de son suicide, je n’avais pas de communication avec sa maman.
Il a eu une première relation amoureuse compliquée, difficile. Alexandre avait un réel don pour la musique, style RAP. Il n’avait pas d’ami, ni de copain ; il était très fragile. Il a été déterminé, dans une obsession permanente : – « Je vais me suicider », me dit-il ; je lui réponds : – « Tu es jeune encore, la vie te réserve des surprises. » J’étais démuni… Il a été hospitalisé en psychiatrie. Il faisait de terribles cauchemars. Sa maman, Elisabeth, était versée dans les sciences occultes ; il a vécu dans un climat comme ça, sans jugement. Il est allé jusqu’à me demander, à moi son père, de lui procurer une arme !
Depuis toujours, quand je vois quelqu’un en danger, j’ai envie de l’en sortir ; là, face à mon fils, je me sentais totalement impuissant, je me trouvais… très dur… Difficile de l’admettre devant ce fait. Il ne me demandait rien, n’attendait pas d’aide… Je pensais que ce serait un passage… C’est naturel, spontané chez moi de vouloir aider ! C’était l’éducation de ma maman, j’ai grandi avec ça… J’ai le sentiment de gâchis, d’échec en tant que père ; j’essaie de ne pas entretenir cette culpabilité…
Si ce drame peut apporter un soutien, un peu d’espérance, pourquoi ne pas dire ? Ça a été une épreuve, je me suis senti là où il aurait fallu que je sois et personne ne m’a jugé…
Alexandre avait un potentiel réel et aujourd’hui, j’aimerais apprendre à écouter, à écouter vraiment. Quand je donne et que je partage, je suis bien dans ma peau ; l’autre apporte quelque chose, ce n’est pas à sens unique. Écouter : que ce ne soit pas seulement une affaire de spécialistes, mais à la portée de tout le monde. Je crois qu’il est bon de laisser davantage parler le cœur, plutôt que le cerveau …
Je me rebelle devant l’indifférence. À un moment, j’étais dans la rue, et là aussi personne ne te dit : « Tu es vivant … »
Témoignage de Gilles, recueilli par Françoise, psychologue.
