Liban : Semer des semences de paix et d’espoir malgré un contexte intercommunautaire tendu
décembre 2025

Sœur Marie Dominique dirige la communauté de Notre-Dame des Douleurs au Liban, qui s’occupe d’une maison de retraite d’environ 70 résidents, à Ghodras. À partir de 1975, le pays est déchiré par la guerre et les luttes religieuses intercommunautaires vont perdurer jusqu’en 2007. Depuis la crise économique de 2019 et l’explosion dans le port de Beyrouth en 2020, les difficultés quotidiennes ravivent les tensions entre les différentes communautés religieuses.
Sœur Marie Dominique, comment vivez-vous les relations intercommunautaires au sein de votre foyer ?
Avant octobre 2019, notre personnel était majoritairement composé de chrétiens, dont certains étaient des étrangers comme des Éthiopiens. Mais la crise économique est arrivée et nous ne pouvions plus trouver de jeunes femmes chrétiennes pour les différents postes à pourvoir dans notre maison de retraite. Nous avons donc recruté des personnes musulmanes qui viennent souvent de loin.
D’autre part, nous accueillons régulièrement des bénévoles chrétiens ainsi que des jeunes volontaires envoyés par « L’œuvre de l’Orient » ou la DCC (Délégation Catholique pour le Coopération) pour des périodes de 6 à 12 mois. Nous travaillons donc tous ensemble, avec des objectifs communs dans le respect des valeurs humaines que nous communiquons à nos employées. Ces jeunes femmes musulmanes ont souvent des connaissances très basiques, d’où l’importance de la formation en interne, qui ouvre aussi l’esprit aux valeurs chrétiennes. Nous célébrons les fêtes chrétiennes et musulmanes ensemble, nous nous les expliquons les unes aux autres et nous échangeons des cadeaux. Une fois, une de nos employées musulmanes a même assisté à une messe.
Au Liban, certaines fêtes religieuses sont célébrées par les chrétiens comme par les musulmans : Saint Charbel fait des miracles dans les deux communautés ! Nous veillons également à respecter les traditions, par exemple nous leur accordons des jours de congé lorsqu’un membre de la famille décède.
Leur travail auprès des personnes âgées est ingrat : changer les couches toute la journée… Alors, nous avons à cœur de valoriser chacun de leurs gestes, de les encourager pour qu’elles puissent accéder à la richesse intérieure de chaque personne. Voir les volontaires à l’œuvre les ouvre aussi à une culture de la gratuité à laquelle elles ne sont pas habituées. En fait, ici, c’est la mission qui rassemble les gens.
Et pour vous, sœur Marie Dominique, qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?
Je suis admirative : dans nos communautés, nous sommes en sécurité, nous sommes à l’abri des soucis d’argent. Ces personnes sont courageuses. Les temps de prière aussi m’impressionnent : Ici, les gens ont la foi qui leur prend les entrailles. J’ai beau essayer de donner, je reçois plus encore ! Au milieu de ce pays en crise, nous avons beaucoup de chance de vivre ces relations intercommunautaires dans cette maison de retraite
Interview réalisée par Philip Persil
Pour en savoir plus sur le foyer des soeurs à Ghodras :
