RDC : l’impact des conflits armés dans ma vie chrétienne
décembre 2025

Contexte
Depuis plusieurs décennies, l’Est de la RDC vit au rythme des conflits armés. Le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri sont devenus l’épicentre d’affrontements complexes impliquant divers groupes rebelles, dont l’AFC/M23 (Groupe armé), face aux forces armées congolaises et aux Wazalendo (groupes d’autodéfense de la RDC constitués de civils engagés pour la défense du pays). L’année 2025, qui s’annonçait porteuse d’espérance, a basculé dès le mois de janvier lorsque le M23 a occupé Goma, puis Bukavu et ensuite plusieurs territoires. Cette avancée a provoqué morts, disparitions, déplacements massifs, fermeture des institutions, destruction d’infrastructures et une crise humanitaire profonde…
Les familles ont fui les zones de combat, certaines se retrouvant dans des camps de réfugiés ou des abris précaires. Les services essentiels — santé, eau, éducation — ont été gravement perturbés. Les écoles ont fermé, les hôpitaux ont manqué de tout et l’effondrement des institutions financières a paralysé l’économie locale. La population vit dans la peur, sans protection de l’État, soumise à de nouvelles autorités imposées par la force.
Les communautés chrétiennes n’ont pas été épargnées. Les fidèles, dispersés, ont dû abandonner leurs paroisses. Messes, sacrements et catéchèses ont été suspendus, faute de sécurité. Cette rupture fragilise la foi : certains s’interrogent sur la justice divine, d’autres trouvent dans la prière une force intérieure et un refuge. Voici le témoignage de Joëlle, 31 ans, qui, depuis sa naissance, n’a connu que guerre et conflits dans son pays :
Témoignage de Joëlle
« Je m’appelle Joëlle Munyerenkana Shabani, née en 1994 à Bukavu, au cœur d’une région déjà marquée par les hostilités. Quelques jours après ma naissance, j’ai été baptisée, comme un premier acte de lumière dans un monde traversé par la guerre. Mon enfance n’a connu ni stabilité ni paix : bruits de tirs, déplacements, écoles fermées… Ma génération a grandi sous le souffle des explosions. Pour masquer ma peur, je disais que je « dansais sous le tonnerre », alors que mes parents se préparaient à fuir avec leurs nombreux enfants.
Ma première communion à 10 ans, puis ma confirmation à 12 ans, ont été des repères lumineux. J’ai trouvé dans la foi un refuge où déposer mes peurs. La croix du Christ est devenue mon lieu de paix intérieure. Les conflits ont marqué ma mémoire, influencé mes choix et façonné ma sensibilité. Pourtant, au cœur de ces épreuves est né en moi un profond désir de justice, qui m’a menée à devenir avocate pour défendre les plus vulnérables.
Aujourd’hui encore, je continue de croire que la paix est possible dans ma région. Je me tiens au pied de la croix, confiante en Dieu, et je porte dans la prière mon pays, ma terre natale et les enfants qui y grandissent dans l’insécurité. Malgré les blessures de l’histoire, j’ai choisi l’espérance : ma foi ne s’est pas éteinte, elle s’est enracinée. C’est elle qui me tient debout. » Joëlle.
Propos recueillis par Claudien Bagayamukwe, s.j
